L’astre lunaire se découpait dans la noirceur de la nuit, les nuages couvraient les étoiles, emmenant avec eux, une brise froide mais n’en moins désagréable. Seul quelques badauds étaient encore de sortis. Et c’est à Hampstead que nous retrouvons notre démon, qui allait faire une bien heureuse rencontre, contre toute attente.

Le vent s’engouffrait dans mes cheveux, j’accélérais ma course alors que je ne touchais presque plus les toitures des maisons alentours. Fermant les yeux, j’appréciais le moment, c’était rare de me voir si actif... Mais l’envie soudaine d’une course nocturne avait été irrésistible.

Je n’avais pas besoin de regarder devant moi, mes sens étaient à l’affut et j’en profitais pour me vider l’esprit.


"Tu veux faire ta p'tite prière avant de rejoindre Dieux ?"

Je m’arrêtais instantanément, une ruelle se trouvait juste en dessous de moi et j’étais certain que la voix, grave et désagréable, venait d’ici.
Normalement, j’aurais dû reprendre mon chemin, sans y faire vraiment attention, mais avant de ne pouvoir faire un seul geste, j’entendis la voix cristalline et imperturbable d’une jeune femme :

"Je n'ai pas peur de la mort...et, cela fait longtemps que je ne crois plus en Dieu...alors que je fasse une prière ou pas, je crois que cela ne lui fait ni chaud ni froid..."

Cette réplique, ce ton, ce calme, cette froideur…Cette odeur.


Sans réfléchir, je filais vers le lieu de la scène et quand je m’accroupis sur le bord du toit pour y regarder plus bas, je la vis.
Une fille tout de blanc vêtue, les cheveux longs et de même couleur avec des yeux rouge sang. Elle était de prise avec deux hommes et un deux venait de poser son arme sur sa tempe.
Elle ferma les yeux.


Le temps de cette réflexion ne dura même pas un millième de seconde et j’imposais de suite une atmosphère lourde. La ruelle était devenue noire, un noir d’encre, même la lune ne perçait pas cette « fumée » à l’odeur nauséabonde.

« Huhuhu…Que vois-je…Un ange dans sa robe immaculée qui semble avoir renié Dieu… Voilà qui est plutôt drôle ~ » susurrais-je d’une voix doucereuse et malgré tout, terrifiante.

J’entendis les deux hommes crier d’une voix suraiguë, ce qui rajouta à mon hilarité. Ils étaient aveuglés et n’entendais que ma voix. La jeune fille, elle, ouvra les yeux d’incompréhension.

Je sautais à terre avec facilité et me postais devant elle mais pour ses pauvres yeux d’humain, elle ne devait voir que mon œil qui se découpait dans cette fumée, je tendis une main fourchue vers elle.

"Effectivement..."

Sa voix était claire et distincte malgré les bouleversements et la situation dans laquelle elle se trouvait. Je la voyais hésiter à prendre la main que je lui tendais.

Pas de cris, pas de peur, pas de larmes… Plutôt du soulagement. Cette fille réagissait étrangement ce qui stimula ma curiosité. Que faisait donc cette jeune femme aux cheveux blancs et aux yeux rouges, dans une telle tenue, en pleine nuit, poursuivit par deux hommes qui voulaient la nuire ?

Elle déposa finalement sa main dans le creux de la mienne, instantanément, la brume retomba, j’étais maintenant visible aux yeux des trois humains se trouvant dans cette ruelle.

Je la regardais fixement.

« Bonsoir, petite ~ » dis-je malicieusement « Tu viens de donner la main à une des pires créature de l’Enfer. »

« Haaaaaa !! Un monstre ! Une bête du Diable ! » beugla l’un des hommes.

« Serais-tu d’accord pour un petit marché, ma chère ? Il me semble que tu as actuellement besoin d’aide… Et je me porte volontaire, n’est-ce pas merveilleux ? » ricanais-je, dévoilant des canines pointues. « Ton âme contre toute l’aide dont tu as besoin… N’as-tu pas un désir, un vœu, une ambition grandiose…? Je peux te donner tout ce que tu veux si à la toute fin, ton âme me revient ~ »  poursuivis-je avec une voix de serpent incitant à croquer dans la pomme.

L’un des hommes, toujours armé, porta son arme vers moi d’une main tremblante et mit le feu, me criblant de balle. Je tombais faussement à terre, semblant être mort.

« ‘Tain, c’était quoi ce monstre… » dit l’un en s’approchant vers moi.

« Y touche pas ! On ne sait jamais, on s’occupe d’elle et on se tire vite fait ! » répondis l’autre en faisant un signe du menton vers moi.

« On peut pas se tirer tout de suite ? T’es sûr qu’il est mort ? »

« On va pas la laisser en vie maintenant ! Et l’autre type est mort je te dis, avec toute les balles que je lui ai foutu dans le corps ! »

L’homme armé rechargea son pistolet pendant que l’autre s’approchait lentement de la jeune fille, tremblant de sueur mais déterminé à la tuer.

La jeune fille se retrouvait dans une situation critique, à deux doigts de se faire tuer. Une seule solution, une seule aide, une seule échappatoire, même si c’était pour descendre dans les Enfers, il fallait  qu’elle la saisisse, pour survivre.

« J’accepte ton contrat ! »

Immédiatement, tout redevint noir se qui arrêtèrent à nouveau les deux hommes dans leur besogne. Mon unique œil brilla de délectation, un sourire déchira mon visage et chacun de mes membres s’activèrent comme remplis d’une nouvelle volonté.
Je fonçais sur ma proie, agrippant l’un des assassins pour lui arracher la tête, faisant gicler le sang alors que son hurlement s’éteignit dans la nuit. Pris de panique, son complice essaya de s’enfuir ce fit étirer mon sourire encore plus largement qu’il ne l’était, une lueur sauvage, bestiale, dans le regard, je m’empressais de le rattraper, sans effort. Dans la panique, il tomba à terre et j’éclatais d’un rire malsain en plantant mon talon dans la jambe. D’une main, je le soulevais par le cou et alors qu’il suffoquait, je plongeais ma main dans sa gorge pour lui arracher la langue et la jeter plus loin.


Je lui offris une mort lente et douloureuse mais silencieuse, laissant son corps être le festin des rats. Dans quelques heures, je savais qu’il ne resterais plus rien de se carnage.

Relevant la tête, je reprenais ma raison, lançant un regard vers la demoiselle. Elle n’avait rien vu, grâce à la brume qui lui avait épargné ce spectacle. Pour ce qu’elle avait entendu, c’était une autre affaire mais au moins, maintenant, nous étions libre pour « discuter » pleinement.

Faisant retomber la brume, je filais vers elle et je vis qu’elle avait les yeux fortement fermés. Je n’y fis pas attention et sans demander son accord, je la pris dans mes bras avant de sauter dans les airs pour atterrir sur le toit et courir à toute vitesse pour l’éloigner le plus loin possible de se massacre.

Trouvant une ruelle toute proche, je retombais au sol et la déposais à terre. Pendant tout le trajet je ne lui avais pas lancé un regard et je maintenais maintenant mes distances, la reluquant de bas en haut. Elle avait les yeux ouverts.

Mon sourire malicieux revint.

« Et bien, et bien, je vois que tu as des nerfs d’acier petite. Tu acceptes donc mon contrat, aucun retour en arrière n’est possible à présent. »

Je penchais la tête, levant un index crochu pour le poser juste devant ma bouche.

Elle me regarda dans les yeux et encore une fois, je ne vis pas une once de peur, ce qui me fit doucement sourire. A quoi pensait-elle ? Cachait-elle ses sentiments ? Son cœur qui battait à un rythme irrégulier trahissait sa conscience des événements…et autre chose ? En tout cas, elle me prouvait qu’elle avait les nerfs tenaces et ça me plaisait. Je ne voulais pas d’une personne faible et sensible et je savais, que durant notre pacte, je devrais la changer, la modeler selon mon désir pour rendre son âme toujours plus belle et plus intéressante.

Ca aurait été dommage de la tuer si elle avait flanché.

« Doll Soulbridge. Et si ta part du contrat consiste à me servir... Alors tu le feras en tant que majordome, mon majordome... »

J’avais sentis une étrange intonation quand elle prononça son nom. Alors comme ça, c’était une noble. Et cette dernière imposait déjà son autorité. Majordome ? Et bien si c’est de moi qu’elle veut à son service, je sens que je vais bien m’amuser. Ce n’était pas tout les jours que j’étais majordome, voilà une expérience enrichissante et amusante, peut être que finalement je prendrais du bon temps.

Elle m’offrit un petit sourire.

« Et qui me sert ? » dit-elle avec un calme impressionnant.

Je ricanais d’une voix roque et à mesure que je m’avançais vers elle, mon apparence changea. Mes cheveux devinrent noirs de jais et se réajustèrent, mon visage pris des couleurs, mes yeux se dévoilèrent, ma tenue de cuir laissa place à un frac sombre, mes chaussures claquèrent dans un bruit sinistre sur les pavés et d’une main, je gantais mes doigts.

Je me postais devant elle, à un mètre et je me courbais, posant une main sur mon cœur et l’autre derrière mon dos, affichant le sourire malicieux qui me caractérisait tant.

« Je n’ai pas de nom, je me nommerais selon vos souhaits. » répondis-je avec une fausse soumission. Evidement que j’avais un nom, mais les humains avec qui je pactisais ne devait pas le savoir.

« Michael… Tu t’appelleras Michael Wayne. »

Lui offrant un sourire hypocrite, je m’agenouillais et pris délicatement sa main dans la mienne pour embrasser sa paume avant de sourire diaboliquement.