Il avançait tranquillement, se faufilant entre les shinigamis respectables qui buvaient leur café en échangeant quelques potins. Et dire que c’était eux que l’on considérait comme travailleurs et responsable. Ils passaient plus de temps à discuter et à vider les machines à café qu’à réellement travailler. Imposer leur un rythme, une tasse de café au bout de 100 dossiers traités et vous verrez les changements. Mais non, ce n’était pas possible.  Trop de risque de rébellion.
 
Bref, après avoir chipé un bonbon sur le bureau d’un collègue, le rouge s’engouffre dans un couloir peu fréquenté. Pourtant il le connaît lui, il y passait quasiment sa vie.


« Peut-être qu’ils finiront par me donner un bureau juste à côté...ça m’évitera les kilomètres de marche inutile… »

Il finit par arriver devant la lourde porte, inspirant un grand coup, il la poussa et entra. Discrètement. Il fallait qu’il joue serré pour pouvoir espérer arriver à ses fins. Aujourd’hui plus que jamais il avait besoin d’un coup de main. Un petit signe du destin.

Il observa les différents shinigamis qui travaillaient, enfin façon de parler. Encore un boulot de planqué. Il ne comprenait pas comment on pouvait passer sa vie derrière un bureau à gérer de la paperasse et le tout dans le seul but d’ennuyer d’autres personnes.

Scrutant chaque bureau, il finit par jeter son dévolu sur celui qui se trouvait le plus au fond. Plus discret, et puis, de là il aurait le temps de filer si jamais William où un autre haut placé pointait le bout de son nez. 

Arrivant devant le bureau, il ne put retenir une moue désappointée. Une femme…déjà qu’avec les hommes ses charmes ne fonctionnaient pas du tout mais alors les femmes…Sa dernière expérience avec une femme lui avait laissé un goût plutôt amer. Mais bon, il avait besoin de sa faux alors il ferait avec.

Tirant une chaise vers lui, il s’installa juste en face de la personne. Il posa les yeux sur elle et..il attendit. Elle devait sûrement attendre sa venue. Enfin, elle ou un autre. Et il devait sûrement y avoir des choses à régulariser avec son dossier, enfin des trucs administratifs.


Autant attendre et voir quelle était l’humeur de celle qui avait le pouvoir avant d’attaquer quoi que ce soit.

Aie..le petit rire n’augurait rien de bon pour notre shinigami. Qui pourtant ne prêta aucune attention à ce petit détail mais qui se hérissa sur le suivant. Comment ça Will…alors ce shinigami de bureau était familier avec William. SON William ?! Oh ça c’était sûr, William T. Spears devait adorer ce genre de type, très sérieux, toujours propre sur lui et, il en parierait sa main droite, toujours à l’heure et à jour dans son travail. C’était cette chose-là qui plaisait à William et non lui. Alors que franchement, quand on se penchait un peu sur la question, il n’y avait pas photo. Grell était cent fois…non mille fois mieux.

Mais cela expliquait des choses, bien des choses. Et notamment pourquoi son supérieur l’envoyait à la mort. Plus besoin de s’embêter avec les états d’âmes de son employé une fois qu’il est mort. Pratique et efficace.

Son regard se fit plus froid, distant, alors qu’il trouvait enfin la petite plaque portant l’identité de la personne qui venait de lui détruire le cœur. Une de plus. C’est à se demander en combien de morceau un cœur pouvait être détruit. Parce que depuis le temps, il ne devait rester que de la bouillie du cœur de l’homme en rouge.

Il se redressa sur sa chaise, la laissant profiter un instant du pouvoir qu’elle n’avait pas. Puis il passerait à l’action. Après tout, il n’avait plus grand-chose à perdre et puis, cette personne n’avait pas le moindre pouvoir sur lui. Sauf si elle allait pleurer dans les jupes de William, sauf que dans ce cas, elle risque de perdre des points car William détestait les pleurnicheurs. A moins qu’il ne déteste que Grell qui pleurniche… c’était peut-être une bonne occasion de faire le test.

Des bonnes raisons…il allait lui en donner. Contrairement à son habitude, ce fut d’une voix calme et posée qu’il exposa les faits. Levant un doigt à chaque nouvel argument.

« Je suppose que vous êtes au courant que j’ai un apprenti à former. Comment le former sans faux ?

De plus, sachant que nous serons bientôt envoyés sur le terrain, moi sans faux et mon apprenti qui n’a jamais du toucher une âme de sa vie, il en va de notre survie que je sois un minimum équipé. Sinon cette fois, ce ne sera pas ma faute si quelqu’un passe l’arme à gauche. »

Il finit par claquer sa main gantée de noir bien à plat sur le bureau, son regard fixé dans celui de la femme qui lui faisait face, on pouvait sentir sa colère et sa détermination.

« Ah..et une dernière chose, si vous ne m’aidez pas. Je me débrouillerai autrement. Mais saches que si jamais je me fais prendre… tu tomberas avec moi. »


Sourire angélique, alors qu’il retirait sa main du bureau et qu’il réfléchissait à comment utiliser ce qu’il avait vu dans le tiroir à son avantage. Nul doute que cette demoiselle (il sentait les femmes à des kilomètres et lorsqu’il avait affaire à des hommes, généralement il y avait une lueur de dégoût, quelque chose de malsain dans leur regard qu’il ne retrouvait pas chez elle. Enfin..peut-être qu’il cachait bien son jeu. Mais pour le moment-là n’était pas la question. )

Il était dans de sales draps et il le sentait. Ce qui n’arrangeait pas son humeur. Est-ce que pour une fois, les choses ne pourraient pas tourner à son avantage. Il faisait tout pour en tout cas, pas comme certains qui passaient leur journées à se tourner les pouces et à qui la chance souriait tout le temps. Non, lui il se tuait à la tâche, il était le meilleur dans ce qu’il faisait et il se battait comme un diable pour cette société alors qu’au final tout ce qu’il récoltait c’était une grosse baisse de son estime personnelle et pas mal de soucis.

Jouant avec une mèche de ses cheveux, qu’il enroulait et déroulait inconsciemment autour de son index, notre rouquin arqua un sourcil devant le changement d’atmosphère. Amusant comme une simple petite menace pouvait être aussi efficace que des cris et des larmes. Mais dans ce cas, peut être que les larmes auraient été plus efficaces, puisque là, à part une flatterie (certes c’était la vérité, il était le meilleur, et cela faisait du bien qu’on le remarque enfin.) et le fait que son interlocuteur se soit…fâché ? Senti en danger ? …bref il n’avait pas beaucoup avancé.

La menace le fit sourire. Déjà parce que nous étions passé du vouvoiement au tutoiement. Signe qu’ils s’étaient rapprochés. Et puis…la tournure de la phrase, le regard, la posture, c’était tellement enfantin. Une vague ressemblance avec Willy quand il se met vraiment en colère, mais pas de quoi en faire dans son pantalon.

Il se passa la langue sur les lèvres, tant pis pour le gloss, il doit en avoir quelque part dans une de ses poches. Et il trouvera bien un moment pour en remettre avant de sortir de ce bureau. Puis il inclina la tête sur le côté, laissant le silence s’installer. Un silence tendu,  enfin..Lui ne l’était pas du tout. D’ailleurs, il fit une petite moue vexée lorsqu’il se rendit compte qu’il ou elle ne le regardait pas. Alors c’était tout ? Juste une petite menace et puis voilà, il croyait vraiment que c’était terminé et que lui, Grell Sutcliff allait partir ?!

Un instant l’idée lui traversa l’esprit. Avec Willy il l’aurait sûrement fait. Une petite tête triste, un petit d’accord et s’en aller en sautillant. Mais ce n’était pas William. Et il avait besoin de sa faux. Donc..il fallait qu’il reste jusqu’à ce qu’il obtienne ce qu’il voulait.


« - C’est vrai ? Ils ont écrit ça ? Je peux voir ? »

Tendant le bras, il se saisit du dossier qui se trouvait sur le bureau, semant la moitié des feuilles au passage. Croisant les jambes, il posa ce qui restait du dossier dessus et se mit à le feuilleter rapidement, ses yeux se posant alternativement sur les feuilles et sur son collègue. Tout en continuant à feuilleter il continua, sans prendre en compte l’ambiance tendue et les petites menaces.

« - Mensonge ? Peut-être. Juger de la qualité d’une personne sans la connaître, juste à travers des feuilles et des histoires, c’est assez léger vous ne trouvez pas ? »

Oui, il disait à qui veut l’entendre qu’il était le meilleur. Et quiconque le contredisait se retrouvait souvent avec quelques petits soucis. Mais c’était lui qui le disait, il savait ce qu’il faisait et comment il faisait. Et il estimait pouvoir juger son travail à sa juste valeur. Et d’autres que lui étaient très bons, mais il le savait parce qu’il avait travaillé avec eux, il avait passé du temps et analysé la situation. Il ne s’était pas contenté de lire un dossier comme les supérieurs et les gens du bureau…

C’était aussi pour cette raison que certains shinigamis de terrain se retrouvaient avec des affaires qui ne collaient pas du tout à leur personnalité.

Bon..maintenant, elle avait dû avoir le temps de se calmer. Alors il est temps de repasser à l’attaque, un demi-sourire en coin, comme s’il venait de lire une bonne blague, il planta ses yeux plus jaunes que verts dans ceux de son interlocuteur.


« -J’aimerai bien savoir… »

Ce que tu pourrais me faire. Le sous-entendu n’était pas très clair il est vrai. Et puis, il fallait d’abord qu’il sache s’il avait affaire à une femme ou un homme. Il fallait avancer doucement. De toute façon, il avait le temps.

Les deux shinigamis venaient de franchir un cap dans leur relation. Elle venait de le tutoyer, et cela ne semblait pas l’avoir choqué plus que ça. Grell haussa un sourcil narquois, la dévisageant de haut en bas, puis de bas en haut, tout en essayant de savoir s’il avait en face de lui un homme où une femme. Même s’il savait que tous les shinigamis passaient les épreuves pratiques, il ne le voyait vraiment pas sur le terrain, en face d’un démon ou plus simplement d’une âme qui n’était pas prête à quitter ce bas monde.
Pourtant c’est bel et bien ce qu’il faudrait. Que les personnes qui signent les papiers et décident des missions voient leurs équipes en action. Ainsi, ils pourraient analyser les points forts de chacun et les faire travailler sur leur point faible. Et pourquoi pas, essayer de faire des binômes qui s’accordent et travaillent efficacement. Sauf que cela demande beaucoup d’investissement et de remise en question. Et si beaucoup de monde s’accordait à dire que le rouquin n’était pas un as de la remise en question, ce dernier se demandait s’il n’était pas plus souple que le système lui-même.

Enfin, ce n’est pas lui à son niveau qui changera quelque chose. Et même s’il pouvait, pour le moment il n’était pas là pour ça. Un objectif à la fois.

Dans ses yeux verts-jaunes, on pouvait voir une pointe de moquerie. Et pour qui s’y connaissait un peu, on pouvait deviner qu’il ne pensait pas que la personne en face de lui soit capable de quoi que ce soit sur le terrain. Mais il s’abstint de commentaire, il les ferait plus tard si l’occasion se présentait.

Qu’aimerai-tu savoir ? Ainsi elle lui tendait la perche…il y avait tellement de choses qu’il aimerait savoir. Mais il doutait qu’elle puisse répondre à une seule de ses questions. Elle n’était pas la gardienne des livres et même ces derniers n’avaient pas de réponse à ses interrogations. (Enfin, ils prétendaient ne pas vouloir répondre, qu’ils n’avaient pas le droit, sauf que tout le monde sait que si on ne répond pas à une question, c’est que l’on ne connaît pas la réponse où alors que la vérité n’est pas supportable pour la personne qui pose la question. Et Grell savait qu’il était capable de tout supporter…donc ils n’avaient pas la réponse.)

Bon, il allait passer à la vitesse supérieure. Il l’avait déjà un peu chamboulé en mettant le bazar sur le bureau et en l’agressant verbalement. Même si cette tactique ne s’était pas avérée payante.

« J’aimerai savoir ce que ça vous coûte de me donner un coup de main ? J’aimerai savoir si vous avez déjà fait quelque chose d’excitant  et à quand ça remonte ? J’aimerai savoir également qui êtes-vous ? Est-ce que vous préférez le chocolat blanc ou noir ? Est-ce que vous êtes plutôt dentelle où coton ? En vrai il y a des tas de choses que j’aimerai savoir...mais que je ne saurai jamais. »

Il n’avait pas haussé le ton, ni même usé de sarcasme. Juste une voix normale et son sourire qui était remonté sur ses yeux. Il ne faisait qu’énoncé des faits. Et même s’il mourrait d’envie de mentionner la photo qu’il avait à peine aperçue dans le tiroir de son bureau, il n’en fit rien. Préférant garder cette carte dans sa manche, en tout dernier recourt.


Croisant sa jambe droite sur la gauche, il posa ses mains l’une sur l’autre, sur son genou et il attendit. Une chose était sûre, il ne bougerait pas tant qu’il n’aurait pas obtenu ce qu’il voulait.

Alors là elle avait marqué un point. Elle,il, il ne savait toujours pas et étrangement cela ne le dérangeait plus tellement. Le fait qu’il ait répondu à ses questions, naturellement, sans être embarrassé impressionna notre shinigami qui avait plutôt l’habitude des esquives et de la colère.

Lorsqu’il entendit le passage concernant William,il ne put s’empêcher de grincer des dents, une lueur de jalousie brillant au fond de ses yeux vert-jaune. Au fond de lui, il ne pouvait s’empêcher de se demander « Pourquoi lui ? » Grell n’avait jamais eu l’autorisation de boire un thé ne serait-ce qu’à côté de lui alors avec lui…Pourtant, il y avait dans ce regard autre chose, de la tristesse, une pointe de résignation. Le rouge avait-il enfin compris qu’il n’avait aucune chance avec l’amour de sa vie ?

Peut-être que sa dernière entrevue, et le fait que son adoré l’envoie à une mort certaine (où au moins à d’atroces souffrances) en connaissance de cause et sans ciller avait mis à mal son attachement et son égo. Grell s’était rendu compte qu’il ne comptait pas pour celui à qui il donnerait tout. Il n’était qu’un pion, parmi tous les employés de la dispatch. Et en plus, il n’était pas le plus docile… Il était possible que s’il veuille atteindre un jour le cœur de son aimé, il doive se mettre aux couleurs sobres et aux petites manières. Mais même en agissant de la sorte il n’était pas persuadé de parvenir à quelque chose. Alors peut-être qu’il devait faire le deuil de son amour de toujours.

Il poussa un long soupir, secouant la tête pour chasser les idées noires qui venaient le tourmenter au plus mauvais moment. Il avait beaucoup de choses à faire et sombrer dans la dépression n’était pas une option envisageable, pas pour le moment.
Certaines parties résonnèrent dans son cerveau, alors qu’il assemblait les pièces du puzzle qui se trouvait en face de lui. Un puzzle prénommé Wilson. Déjà le « je n’en ai pas envie aujourd’hui ». Ce qui signifiait qu’elle faisait parfois une petite entorse au règlement. Alors pourquoi pas aujourd’hui ? Parce que c’était lui ?

Un rictus mauvais apparût au coin de ses lèvres alors qu’une idée germait peu à peu dans son esprit. Alors comme ça, la chose excitante était de prendre le thé avec Spears, voire un peu plus…(Il bloqua mentalement les images d’un William dénudé en train de s’amuser avec une autre personne que lui, d’ailleurs William préférait les femmes non ? ).  Il allait placer la barre un peu plus haut niveau excitation.

Il avait des milliers d’autres questions qui lui brûlaient les lèvres, c’était plaisant d’avoir quelqu’un qui accepte de répondre et il sentait qu’il aurait pu continuer, juste pour voir à quel moment elle serait embarrassée où fâchée. Mais son idée passait avant tout.
Se levant il fit une petite courbette, et posant les yeux sur son collègue il lui tendit la main (vous voyez quand Aladin demande à Jasmine si elle a confiance en lui avant de l’embarquer sur le tapis volant…et bien c’est un peu la même chose avec Grell dans le rôle d’Aladin).  La fixant, son sourire en coin s’étendant sur le reste de son visage il murmura.


« Je pense que nous ne parviendrons pas à nous mettre d’accord ici. Et si nous changions d’endroit ? »


Bien sûr, Grell n’oubliait pas qu’il n’était pas armé et qu’il embarquait avec lui une personne qui n’avait pas forcément l’habitude du terrain.  Il fallait donc rester prudent. Hors de question de tomber en plein milieu d’un rassemblement de démons, il s’en voudrait s’il arrivait quelque chose à son collègue. (Enfin…il risquait surtout de s’attirer encore plus d’ennuis qu’il n’en avait. Si c’était possible.)

Grell observa attentivement le petit carnet de cuir, puis l’endroit où elle le mettait. Sans se rendre compte qu’il pouvait une nouvelle fois écoper d’une plainte pour harcèlement. Un instant, un autre de ses problèmes lui revînt en mémoire. Il fallait qu’il s’occupe de cela assez rapidement, si la nouvelle venait à se savoir, surtout dans ces milieux, il était bon pour le chômage.
Et il n’était pas certain de vouloir découvrir à quoi ressemblait le monde des chômeurs chez les shinigamis.
 Une fois que leurs mains furent unies, Grell eut la certitude qu’il s’agissait d’une femme. Ses doigts, sa manière de poser sa main dans la sienne…bref il avait eu raison depuis le début. La partie allait donc s’annoncer encore plus difficile que ce qu’il imaginait. Les femmes et lui n’étant pas forcément les meilleurs amis du monde.

Le transplanage ne se déroula pas pour le mieux, notre rouquin préférant largement d’autres moyens de transports. Surtout lorsque ce n’était pas vous qui initiez le transplanage et que donc vous ne deviez que suivre en espérant ne pas perdre un bout en route.
C’est donc un rouge légèrement nauséeux et tremblant sur ses jambes qui déboula…il ne savait même pas où. Il prit un instant pour se remettre de ses émotions (et remettre son estomac et tout ce qui se trouvait en dedans en place) et observa les alentours. Un parc, de l’eau, la nuit. Bizarre, cet endroit lui rappelait un combat contre un démon assez mignon…comment il s’appelait déjà ? Ah oui c’est cela, Alaric. Ils avaient fait bien des choses et le final s’était révélé…Grandiose.

Lorsqu’il en eût fini avec ses fantasmes et souvenirs. Il se tourna vers sa collègue. Elle semblait triste, prostrée. Peut-être qu’elle ne supportait pas le transplanage non plus. Bien fait pour elle ! Elle voyait ce que c’était que de descendre sur terre et d’avoir à supporter cette sensation étrange à chaque fois. Enfin, la sensation devait être passée maintenant.

Lorsqu’elle se tourna vers lui, il ne put s’empêcher de faire une grimace de dépit. S’il avait cru que l’air frais lui ferai du bien et la mettrai dans de meilleures disposition, il s’était mis le doigt dans l’œil et jusqu’à la narine gauche. Elle avait l’air encore moins avenante que lorsqu’elle était en sécurité dans son bureau. Il ne lui arrivait jamais de sourire où quoi ?

S’ébouriffant les cheveux, signe qu’il réfléchissait à la meilleure manière de dévoiler le fond de sa pensée sans vexer sa compagne (manquerait plus qu’elle le laisse en plan ici). Il finit par soupirer en faisant des yeux ronds.

« -Comment savoir ? Je ne connais ni le lieu ni l’endroit. Pourquoi ici ? »

Il franchit les quelques mètres qui les séparaient et fixa intensément le regard de la jeune femme. Est-ce qu’elle allait pleurer ? Se fâcher ? Qu’est-ce qui l’avait amené ici ?

« -Si je ne m’abuse, nous parlions de choses excitantes… »

Et pour le moment, à part la jeter dans l’eau gelée, il ne voyait pas trop ce qu’il pouvait y avoir d’excitant à faire dans les environs. Hmm..La jeter dans l’eau.


Grell pencha la tête sur le côté, évaluant la distance entre l’eau, la jeune femme et la distance qu’il lui faudrait pour se mettre à l’abris ensuite…

Un endroit calme pour se vider l’esprit après le travail. Avait-elle des remords à tuer toutes ces personnes ? Peut-être qu’elle faisait des cauchemars, qu’elle voyait défiler toutes les possibilités de morts (parfois très bête). L’endroit en effet était paisible et prêtait à la médiation malheureusement Grell n’était pas du tout réceptif à ce genre d’activité. Il avait essayé une fois, dans le but de comprendre William et puis pour tester mais au bout de deux minutes une mouche était venue perturber son havre de paix et tout cela avait fini par une nouvelle décoration de son salon et une mouche trophée épinglée au-dessus de la cheminée.

Lorsqu’elle se rapprocha, il devina tout de suite qu’il avait été trop prévisible. La suite de ses paroles le lui confirma. Aussi il laissa échapper un rire franc et sincère et haussa les épaules. Tant pis, le bain sera pour une autre fois. Il n’avait pas tellement envie de finir à l’eau lui-même, le temps qu’il prendrait pour démêler et faire sécher ses cheveux serait bien trop long et il avait besoin de se reposer après toutes les émotions qu’il traversait en ce moment.

Elle avait changé. Elle paraissait plus amicale, plus humaine. Le petit sourire qu’elle arborait changeait vraiment son visage et la rendait plus belle. Plus jeune aussi. Mais il ne jugea pas bon de lui faire part de ses réflexions. Une femme n’appréciait pas ce genre de compliment.

« Me voilà démasqué. Mais tu as beau affirmer le contraire je me demande comment…. »

La suite n’arriva pas. Se redressant de toute sa hauteur, les yeux verts-jaunes de l’homme en rouge se posèrent sur un point situé au-dessus de sa collègue. Son sourire ne disparut pas pour autant, mais on pouvait presque sentir son changement de mentalité (personnalité ?). De l’idiot du village qui amusait la galerie, il venait de se transformer en combattant et on sentait qu’il n’attendait qu’une chose, que la bataille commence.

Son regard dévia une fraction de seconde vers sa collègue et il pesta intérieurement. Ok il avait voulu l’emmener sur le terrain pour lui faire voir que sa faux lui était indispensable, et aussi qu’on avait besoin de s’amuser et de lâcher prise. Mais l’arrivée d’un démon n’était pas vraiment au programme. Surtout qu’il n’était toujours pas armé et que visiblement, la demoiselle venait de décider qu’il était en danger. Sinon elle ne se serait pas placée devant lui.

Légèrement vexé par cette attention, il croisa les bras, se contentant d’attendre la suite des événements. Visiblement, elle pensait pouvoir gérer et elle ne le croyait pas capable de se défendre seul. Lui le meilleur shinigami de terrain toute catégorie confondu se faisait couvrir par une employée de bureau. Autant vous dire que sa fierté en avait pris un coup.

Il se contenta d’attendre. Voyant le démon arriver à grande vitesse sur eux et la faux de la shinigami il haussa un sourcil. C’était une arme intéressante certes mais elle n’était pas faite pour le combat rapproché. Enfin…il n’en avait pas vraiment l’impression et si le choc avait repoussé le démon de quelques mètres il n’allait pas tarder à le comprendre également et à utiliser cet avantage.
Il avait été impressionné de la réponse de sa collègue. Se décalant légèrement pour observer la créature qu’ils affrontaient il poussa un petit soupir. Même pas un beau mec. Dommage, il aurait bien aimé se rincer l’œil un peu. Et puis qu’est-ce qu’elles avaient toutes avec les grosses poitrines. D’abord c’est d’un vulgaire et puis niveau pratique on ne peut pas dire que c’est ce qui se fait de mieux.

Du coin de l’œil il vit le repas du démon s’enfuir. Ainsi ce n’était pas un démon sous contrat, ce qui le rendait d’autant plus dangereux. Pour peu que cette demoiselle soit une gourmande et qu’elle ne soit pas vraiment  affamée, cela la rendait d’autant plus dangereuse.

Il savait qu’ils auraient dû profiter de l’effet de surprise occasionné par la défense de River. Ils auraient peut –être pu lui sauter dessus et l’immobiliser pour terminer le combat rapidement. Mais il ne leva pas le petit doigt. Se contentant d’observer le repas qui se carapaté et la dame qui se relevait, se nimbant d’une fumée rougeâtre. Ses yeux pourpres passaient alternativement d’un shinigami à l’autre, semblant jaugé lequel était le plus dangereux. Si normalement la présence de deux shinigami et l’absence de proie suffisait à faire fuir les démons (bah oui ils ne vont pas risquer leur peau pour le plaisir de tuer du shinigami), ici cela n’avait pas l’air d’être le cas.

« Soit nous avons affaire à un démon suicidaire. Soit elle très sûre d’elle et dans ce cas très forte. »

Penchant la tête sur le côté, il essaya de deviner vers qui se portera la nouvelle attaque. Lorsqu’il la vit courir vers lui il se contenta de sourire en secouant la tête de droite à gauche. Ce ne fût que lorsqu’il remarqua le petit rocher à seulement deux mètres de lui, qu’elle regardait régulièrement, qu’il comprit et agit.

Il sauta sur sa collègue au dernier moment, presque en même temps que le démon. Seulement ce fut Grell le plus rapide, il la poussa sur le côté sans se soucier de savoir s’il l’avait fait tombé ou non. Sa réception fut légèrement moins classe, en effet, comme il avait agi en même temps que le démon il l’avait percuté également. Ce fut donc un joli roulé-boulé rouge qui atterri dans l’herbe. Se dépêtrant de son long manteau, il se redressa assez vite pour éviter un coup de griffe qui l’aurait probablement défiguré. Il saignait,  son épaule droite avait été légèrement griffée lors de la cascade, il avait deviné une fraction de seconde trop tard…


Les trois êtres étaient placés maintenant en triangle. Grell s’était placé en position de défense, les jambes légèrement repliées. Son regard ne quittait pas des yeux son ennemi. Ce qu’il l’inquiétait c’était que le démon ne semblait pas avoir peur….

Il détestait ça. Presqu’autant qu’il aimait le rouge et voir le sang couler. Quand il s’agissait de son propre sang c’était différent. Son sang était précieux, et puis après il fallait beaucoup de temps et de soins pour que les cicatrices s’estompent. Vous n’imaginez même pas le temps que cela lui prend le matin lorsqu’il doit s’occuper de tous les dégâts occasionnés par William.
Alors être blessé de manière aussi ridicule par une garce…c’était horriblement vexant. Frustrant même. S’il avait eu sa chère faux cela ne serait jamais arrivé. Il aurait fait de la découpe de boudin en deux ou trois mouvements. Mais il ne l’avait pas. Il ne pouvait compter que sur son agilité et sa force. Ils étaient entraînés pour ce genre de circonstances. Et l’une des tactiques de base, que l’on apprenait dès l’arrivé à la dispatch était « Attends et observe »  Se précipiter et foncer tête baissée était le meilleur moyen de finir entre quatre planches. Et même si ce n’était pas son fort et qu’il n’avait jamais apprécié cette tactique…c’est ce qu’il fit.

Il attendit. Observa.

Le coup de tête lui fit hausser un sourcil. C’était…brutal. Et tellement peu féminin comme méthode. Mais efficace visiblement. Puisque les deux femmes, qui étaient si proches l’une de l’autre que lui-même ne pouvait rien tenter sans risquer de blesser la mauvaise, étaient maintenant à une distance respectable.

Attendre, réfléchir.

Il observa la faux de sa collègue plantée à côté de lui. Il n’avait qu’à tendre le bras pour la prendre. Mais prendre la faux d’un autre shinigami pouvait s’avérer dangereux. Et passible de sanctions. La death scynthe est quelque chose qui est propre à chaque shinigami, c’est assez intime. Lui-même ne supporterait pas que quiconque pose ne serait-ce qu’un doigt sur sa chère sebby. Et même s’il adorait transgresser les règles, c’était quelque chose qu’il n’avait jamais fait.


Jugeant la situation du regard, sa collègue qui avait l’air un peu et le démon qui l’était tout autant, il haussa les épaules en marmonnant.

« Il faut bien une première fois à tout… »

Il n’était même pas sûr de savoir correctement s’en servir. Et peut-être que la faux se retournerait contre lui, ne le reconnaissant pas comme étant son légitime propriétaire. Mais il fallait qu’il tente. Sinon, ils allaient y passer tous les deux. 

Il attrapa la faux de la main gauche et chargea en direction du monstre. Ne sachant comment se servir de cette arme, Grell opta pour la méthode lance. Ancien et peu utilisé puisque tellement prévisible, mais il arrivait vite et il ne comptait pas toucher un point vital. La démone ne bougea pas d’un poil, elle se permit même un rictus amusé devant ce boulet rouge qui arrivait en pointant son petit cure-dent.

Au dernier moment, Grell pointa l’arme vers le genou de son ennemi et sauta sur le côté, évitant ainsi une étreinte mortelle. Dès qu’il sentit la chair être traversée, il retira l’arme et la jeta en direction de sa propriétaire légitime. 


« A toi l’honneur. »

La partie semblait gagnée, un bras en moins et des attaques beaucoup moins précises. Néanmoins il ne fallait pas baisser la garde, d’expérience Grell savait que la partie la plus difficile du combat était le final. En effet, le démon lors de sa mort (si tant est qu’ils meurent vraiment) régurgite les âmes qu’il a avalé ou une fusion de ces âmes, il n’avait jamais pris le temps de les analyser. Et force est de constater que ces âmes sont loin d’être amicales et reconnaissantes d’avoir été délivrée.

Il n’était pas certain que sa collègue soit au courant de ce genre de choses. Si elle avait démontré une certaine adresse et brutalité dans le combat au corps à corps, les âmes étaient, elles beaucoup plus vicieuses et si elles parvenaient à s’infiltrer dans votre esprit s’en était fini de vous.

Elle avait l’air de gérer, aussi la laissa-t-il s’amuser, tout en se demandant depuis combien de temps elle était enfermée dans ce bureau pour qu’un simple combat lui procure autant de plaisir. Enfin, elle ne se sera pas ennuyée et peut être qu’elle le jugera un peu moins sévèrement désormais. Et puis, le fait d’avoir utilisé sa faux était également une preuve qu’ils s’étaient rapprochés. Même si le rouquin espérait sincèrement ne pas l’avoir dérèglé, il savait combien les death scynthe pouvaient être sensibles. Et ils allaient en avoir besoin d’un moment à l’autre.

Pour le moment, sa collègue s’amusait avec ce qui restait du démon. Elle perdait ses forces rapidement. Finalement ce n’était pas un démon aussi puissant qu’il l’avait imaginé. Mais peut être que le fait d’être sans arme lui faisait revoir ses critères de danger à la hausse. Enroulant une mèche de ses longs cheveux autour de son index, chose qu’il faisait régulièrement lorsqu’il réfléchissait où lorsqu’il était angoissé, il fit une moue.

« Je pense que le plus simple serait que tu la décapites. Mais je suppose que tu sais ce qui va arriver après ? »


Il n’avait pu sa voix de monter légèrement dans les aigus. Signe d’une légère angoisse. Si jamais elle n’était pas prête avec sa faux les âmes allaient se faufiler partout et risquaient fort bien de s’en prendre à eux. Si pour elle ce n’était pas très grave, la présence de la death scynthe ralentissant quand même les cinématiques, (et puis elle pouvait toujours les trancher) il n’avait absolument rien pour se défendre. Et il ne voulait pas se transformer en zombie où perdre un bout de son passé à cause de ça.